Ce qu’en disent les artistes

Celle qui voyait dans le noir

Christine Horman

C’est en pensant à Marie bien sûr que j’ai fait le personnage de « Celle qui voyait dans le noir ». Mais après je donne le texte à Marie en disant « Moi-même j’ai mes propres projections sur c’est quoi être malvoyant ou aveugle et récupère-le ». Et donc elle met aussi ses propres images, ses propres mots sur le… sur le texte. Alors c’est chouette parce qu’elle m’a dit « Non, mais je vais pas changer grand-chose ». Alors elle croit qu’elle change pas grand-chose, mais n’empêche que tout d’un coup ça devient vivant. Parce c’est dans la bouche de Marie et qu’elle le porte vraiment. Le personnage est là quoi. Il est là. Il est devant moi, je le vois. Je la vois. Je la vois dans son royaume comme ça qui fuit et qui est perdue parce que tout est écrit quoi. Et donc ça c’est le travail entre littérature et conte. Et où les personnages apparaissent vraiment devant nous. Un monde apparaît devant nous. Et qu’on construit. Alors ici on l’a vraiment construit ensemble ce qui est encore plus super quoi.

Marie Thys

« La fille qui voit les yeux fermés », j’aime bien comment elle a raconté ce personnage. Je l’aime vraiment bien ce personnage parce que c’est… elle est brute, enfin il y a un côté brut, et qu’elle a un côté où c’est… j’ai l’impression qu’elle a dépassé des tas d’étapes que dans ma vie dans ma vie j’y suis un peu encore. Mais j’aime bien le choix qu’elle… des fois, je me rends compte, de moins en moins heureusement avec les années c’est l’avantage de vieillir, c’est que quand j’étais plus jeune surtout quand j’étais gosse évidemment je voulais absolument faire comme les autres qui… fin nier le fait que… que je voyais mal. Et puis avec les… et puis vers la vingtaine ça a été… je me forge un… comment dire… j’ai du mal quand par exemple les gens m’aidaient dans… dans le train. Voilà. Les gens m’aidaient dans le quotidien, les gens m’aident tout le temps et c’est vraiment chouette. Et quand les gens me renvoyaient « Oh ça doit être difficile » ben comme je supportais pas l’idée qu’ils puissent avoir pitié je disais : « Ben non. Non. Fin je suis habituée, je suis née comme ça ». Et puis avec les années, et puis en côtoyant d’autres personnes, d’autres amis d’ailleurs qui… d’autres amis non voyants, plus jeunes en général d’ailleurs, donc sans doute avec… nés… nés après, et donc dans une société déjà un peu plus… avec moins de tabous par rapport à cet handicap-là en tous cas et bien je me rendais compte que tous mes amis

de 10 ans plus jeunes que moi ils… parfois ils sont plus nuancés. Donc si quelqu’un, une femme une amie à moi plus jeune qui me disait quand quelqu’un lui dit « Oh ça doit être dur ». Elle répond du tac o tac : « Boh ça dépend des jours ». En fait, je me suis dit, mais oui c’est comme elle lui aurait dit « comme pour vous quoi ». Fin. Je sais pas. Et c’est vrai que c’est… c’est vrai que ça dépend des jours.

Et peut-être que le personnage que comment Christine l’a raconté, « La fille qui voyait les yeux fermés », elle m’a demandé, elle m’a dit au début « Peut-être qu’il y aura des projections’. Non non non. Il n’y en a pas des projections. Pas du tout. C’est vraiment comme ça, c’est comme ça que c’est. J’étais impressionnée parce que c’est vrai qu’il y aurait pu avoir des… forcément un peu des… des projections quoi. Mais il y en avait pas. Mais par contre peut-être que c’est un personnage comme je tendrais à… j’aimerais bien être un jour comme ça aussi. Aussi brute. « Ah aujourd’hui ça, ça ne va pas. Aujourd’hui ça, ça me va. Je vis ça comme ça. » C’est nuan…, c’est… Parfois on en a marre. Parfois on en a pas marre. Et ça peut être vécu de manière simple. Vraiment simple et que… je me rends compte en tous cas que les rares fois où je me permets, même à quelqu’un que je ne connais pas, de lui montrer, ça m’arrive de plus en plus souvent, avant si je me rencontrais un poteau dans la rue quelqu’un me disait « Oh ça fait mal ? » Je dis « Non non ! » Maintenant j’ose dire « Putain de poteau ». Et même si la personne voit que je déborde pendant un moment c’est, voilà, je dis « Excusez-moi. Ça va passer. Mais je suis énervée ! « . Si la personne vient à ce moment-là, au moment où je suis énervée par le poteau je ne vais pas tant pis, il verra ça et je vais un peu essayer de le rassurer, mais tant pis si… et les gens en fait je me rends compte que, ça va, ils peuvent… plus on est entier là-dedans plus en fait ils comprennent et ils peuvent s’identifier par rapport à d’autres choses que eux ils vivent dans leur vie. Parfois c’est difficile et que… Oui, je suis étonnée.

Isabelle Puissant

Il y a évidemment « La fille qui… qui voyait dans le noir », je détruis peut-être un petit peu les titres, mais avec toute la poésie de Marie. Et puis le côté de… apparaît là je trouve très très fort, très clairement, avec beaucoup de concret la violence symbolique des institutions. Particulièrement à cet endroit-là, même si elle est présente partout.